
Et je jure que je n'invente ni ne déforme rien.
Je me suis levée tôt car le plombier devait arriver à 7:45 pour changer une pompe. Dès 8:00 donc la pharmacie était envahie d'une odeur pénétrante d'eaux usées (je reste polie).
C'était bien que je sois très tôt à la pharmacie parce que j'avais une commande à finir de préparer et notamment je devais coller 30 étiquettes sur 30 flacons de 500ml de SHA pour la mairie. Flacons que je suis allée chercher en un aller retour à Paris hier matin (50km donc).
A 9:30, ouverture tardive exceptionnelle de la pharmacie pour cause de covid, tout est prêt, la commande répartiteur est rangée, la commande mairie prête, une autre commande de 200 flacons prête à partir aussi...
Mis à part l'odeur tout s'annonce bien.
Je règle encore 2/3 trucs (demandes par mail, ordonnances déposées dans la boîte à lettre), puis je charge ma voiture, mon confrère et ami m'appelle pour me dire que notre commande groupée est arrivée, donc je livre la mairie, on recompte tout ensemble (compresses, SHA, pansements...) puis je vais chez mon confrère chercher ma commande.
Mon associé (et mari) m'envoie un sms « au secours ».
Je rentre et tout était finalement rentré dans l'ordre mais pendant la 1/2 heure qu'avait duré mon absence, il a fallu gérer des demandes du plombier + l'agent qui venait chercher les 200 flacons et lui faire signer un BL (la dernière fois un flacon avait disparu entre la pharmacie et sa destination finale et j'avais presque été traitée de voleuse par mail) + la cerise sur le gâteau : un petit contrôle de la DGCCRF !
Puis est arrivé un médecin qui venait chercher ses masques sans en avoir fait la demande au préalable, puis une demande par mail de pessaire qui a nécessité 5 coups de fil...
Et enfin à la fermeture à 12:30, la mairie a rapporté les 30 flacons de SHA parce que pour les écoles ils voulaient du GHA et en flacons pompes.
Une copine à qui je racontais me disait « mais pourquoi tu te plies en 4 comme ça ? ».
Ben parce que c'est mon rôle.
Parce que l'idée que la mairie aille chercher ses fournitures en grande surface plutôt que dans sa pharmacie de proximité ce n'est pas satisfaisant.
Parce que c'est aussi mon rôle de pharmacien de veiller à la protection de chacun.
Donc dans mon récit y a pas un truc qui vous choque ?
Comme une tache ?
Un truc huileux dégueulasse ?
Ben oui le contrôleur de la DGCCRF !
Je ne voudrais pas lui attirer d'ennuis en disant qu'il a été très sympa.
Mon mari lui a expliqué comme ce harcèlement allait conduire à un abandon total de la profession qui allait lâcher masques, SHA, aide, social... soit tout ce que l'on fait sans relâche depuis 2 mois et avec une conscience remarquable.
Le contrôleur a avoué qu'il ne comprenait pas pourquoi on l'envoyait dans les pharmacies et a conscience qu'on vit ces contrôles comme un harcèlement.
Lui aussi est un pion dans la guerre que Bercy mène contre la Santé.
Tullius Détritus continue donc son œuvre.
Et aussi découragés, fatigués et démotivés que l'on soit, il faut que l'on tienne bon.
Il faut que la santé montre à Bercy que c'est bien celle des 2 qui est la non corrompue et incorruptible.
Si j'osais et malgré l'odeur qui règne dans ma pharmacie, « nous on a le cul propre ».
Delphine Chadoutaud, pharmacien titulaire à Orsay (91)