
Quiconque aujourd'hui se risque à donner son avis sur l' « affaire des masques » et l'attitude de l'Ordre et des syndicats s'expose en cible découverte.
Cette sordide histoire a réussi à semer une discorde vraiment non nécessaire. Depuis le début de la crise du Covid, la profession est irréprochable, exemplaire.
Pourrait-on, en étant un peu paranoïaque, imaginer qu'un Tullius Detritus (cf « La zizanie » d'Asterix) se serait immiscé dans notre belle unisson, envoyé par César lui-même ?
Non, bien-sûr que non...
En revanche, que l'on soit en situation délicate doit en satisfaire plus d'un et on leur dit Bercy beaucoup !
Allez, un petit rappel pour ceux qui entre 2 coups de téléphone pour savoir s'ils ont des masques n'ont pas pu suivre :
Les masques chirurgicaux sont réservés aux soignants et aux patients Covid + ou très fragiles.
Les soignants n'en ont toujours pas assez et ceci depuis le début.
Voilà les postulats de départ.
Mi-mars : de nombreuses sociétés françaises dont l'activité est indispensable sonnent le signal d'alarme : « nous n'avons plus de masques pour équiper nos salariés, laissez-nous en importer sans les réquisitionner ». Un décret autorisant l'importation sans la réquisition de l'État est signé très rapidement. Il aurait dû être suivi d'un second interdisant la vente au public, mais voilà, Tullius Detritus a dû commencer son sale job à ce moment-là...
Notre ami Leclerc claironne à tue-tête que ses petits amis et lui vont vendre 400 millions de masques chirurgicaux. 400 millions. On en manque depuis des semaines. La profession se rebelle, des confrères demandent à avoir le droit d'en vendre aussi pour ne pas être pénalisés mais le Ministre de la Santé rappelle dans tous ses discours que les masques chirurgicaux sont pour les soignants que l'on applaudit tous les soirs.
Déjà à ce moment-là, deux clans distincts commençaient à émerger : les « je veux vendre des masques » et les « je ne veux pas vendre de masques ».
Mais on n'était pas encore au bout de la discorde...
Pour l'Ordre la question ne se posait tout simplement pas. Et si au sens strict du décret nous pouvions vendre des masques chirurgicaux, déontologiquement, moralement, cela nous était interdit. L'Ordre a fait le choix de la morale, le choix de l'effort de guerre, ou tout doit être mis en œuvre pour fournir ceux qui sont en première ligne. Doctrine souhaitée par notre ministre de tutelle et suivie par nos syndicats.
Et là se sont distingués 4 groupes !
Les « je veux vendre des masques et l'Ordre nous a trahis »
Les « je ne voulais pas vendre des masques mais je considère que l'Ordre nous a menti »
Les « je voulais vendre des masques mais je comprends que l'Ordre l'ait interdit » (si, si, ce groupe existe !)
Et les « je ne voulais pas vendre de masques et l'Ordre nous a protégés des appétits mercantiles de certains ».
Mon groupe ? Le dernier. Ok sur la forme notre présidente aurait dû dire que ce n'était pas interdit en droit mais interdit par le ministre de la santé ; c'eut peut-être été plus facile à entendre pour certains.
Souvenez-vous de la lettre des présidents des conseils ordinaux des médecins, pharmaciens, infirmiers, sage-femmes, pédicures podologues et masseurs kinésithérapeutes (le président des dentistes s'est désengagé ensuite), il y avait dans sa rédaction cette phrase terrible « toute guerre a ses profiteurs », les profiteurs étant les acteurs de la grande distribution.
L'Ordre a fait en sorte que nous ne soyons pas inclus dans ces profiteurs.
Je comprends chaque groupe. Ils ont tous raison d'une certaine façon. Mais moi j'aurais ENCORE plus mal dormi si l'on était passé pour des profiteurs après 2 mois de service irréprochable.
Et Tullius Detritus a échoué, soyez-en certains
Delphine Chadoutaud, pharmacien titulaire à Orsay (91)